Pour l’autodétermination de nos corps et de nos peuples et pour les libertés
de la Catalogne et d’un véritable processus constitutif de rupture avec le
régime de 1978 [1].
Nous, Feministes Indignades, sommes un réseau de femmes,
lesbiennes et transexuelles créé lors du Campement de la Plaça Catalunya à
Barcelone pendant la révolte citoyenne du 15 Mai 2011 (Mouvement des Indignés),
qui refusait le coup d’état des marchés financiers et la séquestration de la
souveraineté des États par la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International
et la Troika, à coups de réformes, réductions des droits et politiques
d’austérité, qui appauvrissent et tuent la population.
Dans le cas de l’État espagnol, le PP et le PSOE
violèrent la souveraineté populaire en Août 2011 avec une réforme de l’article
135 de la Constitution (que l’on prétend aujourd’hui irréformable) destinée à
fixer une limite pour le déficit public.
Nous, Feministes Indignades, pratiquons et appuyons la
désobéissance civile féministe devant les lois et les politiques injustes et
illégitimes : en Mai 2011, nous avons désobéi l’ordre d’évacuation de la
Plaça Catalunya donnée par le Ministère Autonome de l’Intérieur dirigé par le
parti Convergència i Unió (CiU[2]),
et l’interdiction du Conseil Électoral Central d’occuper les places et les rues
pendant la journée de réflexion électorale qui a précédée les élections
municipales. En Juin 2011, nous avons désobéi le mandat des marchés et de la politique représentative en
encerclant le Parlement de Catalogne pour refuser le premier paquet de
réductions budgétaires et de réformes d’austérité promu par le gouvernement de
CiU. De 2012 jusqu’aujourd’hui présent nous avons appuyé la cam pagne du droit
à l’avortement, qui appelle à la désobéissance féministe face à la contre-réforme
de la loi de l’avortement (impulsée par
le ministre Alberto Ruiz Gallardón) (PP)
qui finalement ne fut pas approuvée et contre l’atteinte au droit au propre corps
des femmes de moins de 18 ans qui désiraient avorter[3]
. Nous, Feministes Indignades, avons inclus dans notre agenda les
revendications féministes sur les vies libres de violences et qui figurent dans
les campagnes du 25N[4],
avec la promotion de l’autodéfense
féministe ; la déclaration de « L’amour nuit gravement à ton autonomie »,
la célébration de la fête de Saint Violentin et aussi la solidarité antirépressive face aux violences de l’État (action « Toutes
avec Esther/ contre les balles de caoutchouc », entre autres). De la même façon, Féministes Indignades, défendons
le droit à décider sur nos corps et appuyons différentes revendications telles
que: l’avortement libre, sûr et gratuit, la promotion de l’orgueil gay, le
slogan « Dehors les chapelés de nos ovaires ! », le soutien des prostituées indignées, la
grève en matière des soins, ou la liberté de dire « Je décide, je
TRANScours par mon corps »
Nous, Feministes Indignades, sommes un réseau pluriel qui
rassemble des courants et des visions politiques diverses : certaines
d’entre nous, nous sommes indépendantistes, d’autres, fédéralistes, d’autres ne
croyons en aucun État, ni espagnol, ni catalan. Certaines, nous nous sentons
interpelées par le processus actuel vers la souveraineté, d’autres nous y avons participé et nous
l’avons appuyé activement. Mais, il y en
a aussi beaucoup d’autres parmi nous qui nions que cela soit le vrai débat et qui nous déclarons féministes en résistance et d’autres encore
qui sommes indignées parce que nous sommes des émigrées et que la Ley de Transitoriedad Jurídica y Fundacional
de la República Catalana[5] nous interdit de voter au Référendum,
nous enlève la capacité d’être des sujets politiques, nous empêche toute
participation et a de dangereuses ressemblances avec la Ley Española de Extranjería, de contenu raciste.
Nous appuyons l’exercice réel des droits et les libertés civiles, politiques et sociales et nous sommes
en résistance face au capitalisme, le
racisme, l’hétérosexisme, le patriarcat, les fondamentalismes et les fascismes. Nous soutenons les peuples
en résistance et nous croyons à l’autodétermination de nos corps et de nos
peuples. Nous voulons démanteler les accords patriarcaux, capitalistes et
racistes qui sont à la base du régime espagnoliste de 1978. A partir de nos résistances
nous voulons participer à un processus constituant et l’impulseraussi bien au niveau catalan
qu’espagnol et que puissent y participer
toutes les personnes (autochtones et émigrées).
NOUS
DÉNONÇONS :
Que les mesures de réponse de l’État espagnol à la
convocation du Referendum catalan du 1er. Octobre 2017 ont été une
vulnération des droits fondamentaux tels que : le droit à un jugement
juste et à la tutelle judiciaire effective ; le droit à l’intimité, à
l’inviolabilité du domicile et à l’intimité des communications ; e droit à
la liberté d’expression et d’information ; et le droit à la liberté de
réunion et de manifestation.
Parmi les graves mesures prises ces derniers jours nous
signalons, entre autres :
·
La dénonciation devant la justice de
plus de 700 maires et mairesses pour faciliter la célébration du referendum du
1er octobre dans les installations municipales ; l’ imposition
d’amendes très lourdes à tous les membres de la Sindicatura Catalana[6] et
la formulation de menaces adressées aux directeurs et directrices d’écoles qui
céderaient leurs installations pour permettre le vote.
·
La fermeture des pages web de la Generalitat de Catalunya consacrées au
referendum et la violation des droits des citoyens à exprimer leurs opinions à
travers un Internet libre, ouvert, qui ne puisse pas être censuré ni restreint.
·
La fouille des imprimeries où se
préparait le matériel du referendum et réquisition de 1,5 millions de brochures
et de posters, parmi lesquels des publications officielles du Gouvernement de
la Generalitat.
·
Les fouilles policières dans les médias
et l’identification de journalistes.
·
L’ interdiction de conférences,
rencontres et débats sur le droit à
décider, en diverses villes espagnoles (Madrid, Vitoria, Saragosse …)
·
La suspension de fait de l’autonomie de
la Catalogne et la mise en place d’un état d’exception non déclaré.
·
La mise aux arrêts de certains
directeurs et responsables du Gouvernement autonome, ainsi que de travailleurs
et travailleuses du secteur public accusés de sédition.
·
L’intervention économique de la Generalitat par l’État central (Agence
Fiscale Catalane, Département d’Économie et Finances, Institution des Lettres
Catalanes).
·
L’intervention de la Police autonome
(Mossos d’Esquadra) et l’imposition d’un commandement unique par le Ministère
de l’Intérieur, la fouille des installations et des équipements informatiques
de l’administration publique catalane. L’État espagnol met ainsi en application
de facto l’article 155 de la
Constitution[7].
·
L’assaut policier illégal au siège du
parti politique Candidatura de Unidad
Popular (CUP) et l’encerclement des locaux pendant sept heures par la Policia Nacional (Police de l’État
central), et la permissivité face aux abus policiers généralisés de la part de
la Policia Nacional, des Mossos
d’Esquadra et des polices locales.
·
Le déploiement de fait d’un état
d’exception avec l’arrivée de 6.000 policiers nationaux et gardes civiles dotés
d’un équipement de type semi-militaire
(canons d’eau) pour imposer la peur et la terreur à la population catalane (et
tout cela payé avec nos impôts!).
·
La mise à disposition de la justice,
sous l’accusation de sédition de personnes ayant participé à des manifestations
en défense des droits et des libertés.
De plus, nous alertons que pendant les derniers jours des
groupes fascistes se sont manifestés sans problèmes ni présence policière dans
les rues de Barcelone et ont commis au moins une agression, outre le fait de
menacer et d’insulter diverses personnes.
Pour tout cela,
·
Nous faisons un appel à la mobilisation,
à la résistance active non violente et à la désobéissance féministe pour
défendre les droits civils et politiques et le droit à l’autodétermination du
peuple catalan, pour que toutes les personnes qui vivent en Catalogne (d’où
qu’elles soient et d’où qu’elles viennent) puissent décider librement leur
futur.
·
Nous célébrons la réponse massive et
déterminée de la société catalane, pour refuser l’état d’exception et la
limitation des libertés et des droits. Depuis le 20 septembre nous nous sommes
mobilisées sans peur et nous encourageons à continuer à le faire. Les rues
seront toujours de notre côté !.
·
Le 1er octobre nous devons
pouvoir voter, mais cela est seulement un début. Nous réclamons un processus constituant
transparent, horizontal, radicalement démocratique et populaire, dans lequel nous
pourrons toutes ensemble construire une république libre du patriarcat, du
racisme, du capitalisme, des fondamentalismes et des fascismes. Les savoirs et
les pratiques féministes sont indispensables pour un véritable changement.
Beaucoup d’espaces féministes ont construit des résistances et des propositions
pour habiliter de nouvelles démocraties féministes où nous participons toutes, (autochtones et émigrées).
·
Nous appuyons l’appel à la grève que
certains syndicats, organisations et mouvements ont lancé pour le 3 octobre et
nous faisons un appel à la grève générale, sociale, de soins aux personnes et de consommation, une
grève où toutes les personnes puissent participer.
·
Nous faisons un appel à la solidarité
féministe internationale. En Catalogne il ne se joue pas seulement le futur du
referendum, de la possible indépendance ou de la future république. Ce qui est
en jeu, ce sont les libertés et les droits de toutes les personnes qui vivent
sous le régime de 1978, qui montre aujourd’hui en Catalogne son visage le plus
autoritaire et le plus antidémocratique.
Nous vous animons à diffuser et à étendre la solidarité
et la sororité pour faire face à la dérive de l’État espagnol vers le fascisme
et le fondamentalisme. Nous avons besoin de votre appui pour transformer cet
assaut politique, judiciaire et policier contre la Catalogne et l’essai de
consolidation conservatrice du régime de 1978, en une opportunité féministe pour le démanteler
depuis la base, ici et partout.
Feministes Indignades, anticapitalistes, antiracistes et antifascistes.
Barcelone le 28
septembre 2017
[1] Le régime de 1978 est né, après la
mort de Franco, sur la base d’une constitution accordée entre les franquistes
et les forces politiques de la transition, qui imposa une monarchie sans un
referendum préalable. Rappelons que le monarque fut nommé directement par le
dictateur Francisco Franco et qui jura les lois de la dictature.
[2] CIU parti catalan de la droite
nationaliste
[3] La loi Gallardón prétendait leur imposer l’obligation d’informer leur
parents ou leurs tuteurs légaux.
[4] Le 25 Novembre date contre les
violences faites aux femmes
[5] Loi votée par le Parlement de la
Catalogne en Septembre 2017, qui fixe les conditions du Référendum prévu pour
le 1er octobre 2017.
[6] Conseil Électoral désigné par le
Gouvernement de la Catalogne pour le Referendum du 1er octobre.
[7] L’article 155 de la Constitution prévoit
la possibilité de suspendre l’autonomie d’une communauté autonome dans
certaines conditions, qui ne sont pas remplies dans l’actualité.